Tournage à Bollywood
Après moult reports impromptus, faux-plans, lapins. L’organisation indienne a fini par porter ses fruits.
Le vendredi, à midi précis, euh… disons une heure… Je suis là dans 20 minutes…
Bref 15 h 30 ! Départ de Pune pour Mumbai.
Le long voyage en 4*4 AC (prononcer « Hey, See ! », ça veut dire avec la clim et c’est toujours signe de grand luxe en Inde) me permet de découvrir les paysages magnifiques du Maharashtra que j’avais seulement devinés lors de mon arrivée de nuit à Pune. Des montagnes arides, des villages de partout, des gosses, des vaches sacrées : l’Inde, la vraie ! Il me permet aussi de rencontrer Michael, le Hard Rockeur de Téhéran, ainsi que Harmad et Hassen, trois « sexy boys » iraniens. Beaucoup d’Iraniens viennent étudier en Inde et notamment à Pune. Le farsi et l’hindi étant des langues voisines, les Iraniens s’intègrent assez facilement dans le système scolaire indien.
L’hôtel est loin d’être un palace mais les chambres sont équipées de l’A.C, ce qui est un luxe plus qu’appréciable dans la chaleur torride de Mumbai.
Regroupés dans une chambre autour d’un petit Shillom et d’une guitare, nous discutons de nos pays respectifs. Michael est atterré par les énormes clichés que je lui assène sur l’Iran. Il me fait remarquer que CNN a bien fait son travail de propagande, que les Iraniens ne sont pas des Arabes, que beaucoup sont chrétiens ou athées, qu’ils sortent avec des filles avant le mariage, boivent de l’alcool et écoutent de la musique américaine…
Enfin, à Téhéran et en cachette seulement.
Le lendemain, trop tôt, nous nous rendons à The Retreat, Bollywood. La route est en bon état, les villas somptueuses sont entourées de barbelées et surveillées par des milices armées, les panneaux publicitaires de la compagnie pétrolière Gulf Oil nous souhaitent la « bienvenue dans le meilleur des mondes »…
On se croirait presque à Hollywood ! En faisant abstraction des mendiants dormant dans la rue, des vaches sacrées qui bloquent la route et des montagnes de détritus dégageant une odeur pestilentielle.
Le tournage se déroule sur un grand terrain vague offrant une magnifique vue sur Mumbai, sur lequel est installé un petit village de tentes marabouts servant tantôt de loges, de réfectoires ou de dressing. Un énorme chapiteau de 150 mètres de long se dresse au centre du village. C’est le studio.
Le toit en tissu blanc assez épais pour limiter les reflets et suffisamment fin pour laisser passer la lumière du soleil. Les parois intérieures du chapiteau sont couvertes d’un tissu vert fluo. C’est vraiment nickel pour l’incrustation en postproduction.
Si j’ai bien compris, le film Dili 6 racontera une histoire d’amour entre un Indien (Abishek) et une Indo-Américaine (Sonaam).
La scène que nous tournons est un clip délirant, se déroulant dans New-York fantasmé par par Abishek. Dans le studio, c’est un véritable bordel. Le décor est censé représenter la 44th Street de Manhattan avec ses Yellow cabs, ses payphones, ses trafics siGNal et même des pubs pour la campagne d’Hillary Clinton. 200 figurants s’agitent en tous sens. Des taxis, des limousines et des rickshaws vrombissent et rendent l’air irrespirable. Un peintre parisien, à béret et moustache, dessine les passants tandis qu’un Rabin, des nonnes, des moines tibétains et une bande d’illuminés Hare Krishna prient autour d’une vache sacrée. Quel grand moment de cinéma cela va être !
La première journée nous avons simplement attendu 10 heures avant de pouvoir essayer les costumes pendant 5 minutes.
De quoi discuter longuement avec tous les figurants iraniens, tanzaniens, anglais ou tibétains du studio.
Lors de la deuxième journée, nous avons dû recommencer 20 fois la même scène de 20 secondes dans l’insoutenable chaleur du chapiteau…
Malgré mes nombreuses relances, le producteur n’a pas trouvé de rôle à la hauteur de mon talent. Car enfin ! Je suis le seul figurant qui n’a absolument rien à faire durant la scène. J’attends comme un con en short et en baskets de running que la camera veuille bien me saisir. Grâce à mes talents d’acteur, j’ai su cependant sublimer ce rôle insignifiant de joggeur. J’ai pu symboliser le New-Yorkais, fier d’être américain mais écrasé par l’angoisse de la solitude dans la foule de Big Apple. Le montage mettra probablement en valeur mon jeu qui arrachera des torrents de larmes au futur spectateur.
Le fameux Abhishek Bacchan est vraiment très grand, mais à part cela , plutôt insignifiant. Il a passé toute la journée à faire une vieille gueule de Blazeman de la life.
Sonam, par contre, est souriante et magnifique. Elle ressemble à Penelope Cruz.
Je crois que je suis amoureux.
Au retour, la traversée de Mumbai nous a pris à peine 3 h 30 (le dimanche ça roule bien) et les 150 kilomètres séparant Mumbai de Pune seulement 3 h 30 (par l’autoroute, ça roule bien). Sept heures de trajet mises à profit à boire, fumer et chanter en anglais, en français, en farsi, en arabe et en swahili avec les Iraniens Hassan, Moustapha, Leina et Shaina, la Tanzanienne Benta. Dans l’aquarium de fumée, le chauffeur Pavit, un peu ronchon au début s’est même mis à chanter.
Et pour tout ça je vais toucher 4000 roupies… C’est pas beau la vie de star ?